A l’insu de la plupart des experts en SEO (optimisation pour les moteurs de recherche), le référencement web a ses origines dans le monde analogique.
Dans cet article, le premier d’une série de trois articles, nous abordons l’argument d’autorité dont le but et la mise en œuvre ont d’abord été décrits par Aristote au 4e siècle avant J-C.
Connaître la théorie et la pratique du référencement dans d’autres contextes permet aux spécialistes des contenus web d’améliorer leurs techniques de SEO (optimisation pour les moteurs de recherche).
Au Moyen-Age, c’est la communication scientifique qui reprend et formalise l’argument d’autorité tel qu’il existe encore aujourd’hui dans les millions de communications, livres et articles publiés annuellement dans le monde (1).
Récemment, les algorithmes des moteurs de recherche – en particulier le Pagerank de Google – analysent la qualité et le nombre d’arguments d’autorité afin de déterminer le classement d’une ressource Web dans la page des résultats de recherche.
Connaître la théorie et la pratique du référencement dans d’autres contextes permet aux spécialistes des contenus Web d’améliorer leurs techniques de SEO (optimisation pour les moteurs de recherche).
Introduction
De prime abord, l’optimisation pour les moteurs de recherche (SEO) et les références bibliographiques n’ont rien en commun. Tandis que l’optimisation Web est une pratique récente qui cherche à améliorer le classement et donc la visibilité des pages Web dans les résultats de recherche, les références bibliographiques existent au moins depuis l’invention de la presse à lettres mobiles de Gutenberg. Pour bien comprendre le lien entre ces deux mondes bien distincts, il faut remonter encore plus loin dans le temps, au moment où Aristote décrit l’ancêtre commun de ces deux pratiques : l’argument d’autorité.
Qu’est-ce qu’un argument d’autorité?
Tout le monde emploie des arguments d’autorité dans la vie quotidienne. Lorsque nous affirmons : « Robert m’a dit que ce restaurant anglais était horrible, allons manger ailleurs! », notre suggestion a plus de force grâce à un argument fondé sur l’autorité de Robert. La logique de notre argument peut être schématisée en trois étapes distinctes, de la manière suivante :
- Robert juge le restaurant horrible.
- Robert est un juge légitime sur le sujet.
- Ainsi, notre suggestion de manger ailleurs est bien fondée.
Notre suggestion de manger ailleurs repose en fait sur une affirmation jusqu’alors sans fondement : que Robert soit un expert légitime de la cuisine anglaise.
Contrairement à d’autres arguments (arguments d’émotion ou de raison), l’argument d’autorité puise justement sa force dans l’autorité déjà admise d’autrui. En d’autres termes, le succès de notre argument d’autorité est proportionnel à l’autorité que détient Robert. Or, nos interlocuteurs sont en droit de se demander si Robert a des connaissances quelconques de la gastronomie anglaise. Robert travaille-t-il comme critique de restaurant? Est-il cuisiner professionnel ou juste un ami qui aime bien manger?
Rappelons que l’argument d’autorité reste toujours… un argument. Ni commande, ni directive, un argument est une forme de persuasion qui cherche à démontrer le bien-fondé d’une idée et non pas en prouver la vérité absolue. Si nos interlocuteurs estiment que Robert est une autorité fiable, ils peuvent bien accorder leur soutien à notre suggestion de manger ailleurs. Si Robert est expert en cuisine française, ils peuvent accorder moins de légitimité à Robert, et donc moins de soutien à notre suggestion. Bref, l’autorité d’un argument n’est jamais acquise, et doit – ou du moins devrait – être évaluée et réévaluée chaque fois que l’argument est invoqué.
(…) l’autorité d’un argument n’est jamais acquise, et doit – ou du moins devrait – être évaluée et réévaluée chaque fois que l’argument est invoqué.
En réalité, l’argument d’autorité est un couteau à double tranchant. Car si l’autorité de Robert n’a pas ou peu de légitimité auprès de nos interlocuteurs, non seulement notre argument s’affaiblit-il considérablement, mais notre propre autorité comme interlocuteur s’en trouve amoindrie. En un mot, notre destin en tant qu’autorité est mêlé inextricablement à celui de Robert dès lors que nous citons Robert, c’est-à-dire que nous faisons référence à lui.
En un mot, notre destin en tant qu’autorité est mêlé inextricablement à celui de Robert dès lors que nous citons Robert c’est-à-dire que nous faisons référence à lui.
Pour ceux qui connaissent la SEO et le référencement naturel, le fonctionnement de l’argument d’autorité paraît de plus en plus familier. Lorsque nous citons Robert pour appuyer notre suggestion d’aller manger ailleurs, nous lui accordons implicitement notre voix, ce qui accroît davantage son autorité. (En jargon SEO, ceci s’appelle faire un lien.) De même, si nos interlocuteurs sont persuadés par notre argument, ils vont peut-être nous citer à leur tour en parlant à d’autres personnes. (En jargon SEO, cela s’appelle faire un lien retour.)
Dans le deuxième article de cette série, nous aborderons la pratique des références bibliographiques dans la communication scientifique. Dans le troisième article, nous verrons la rédaction Web et la manière dont les spécialistes utilisent les arguments d’autorité pour améliorer le classement de pages Web dans les résultats de recherche.
Notes
1) L’histoire de la communication scientifique – la rédaction académique – est liée de près à la révolution initiée par l’invention de la presse à lettres mobiles. Pour en savoir plus, voir l’ouvrage de Guylaine Beaudry « La communication scientifique et le numérique » , publié par Hermès Science Publications, en 2011.